Education

Broutage à haut vol au ministère de l’Education : Tout sur le « mouton pédagogique » des DRENA et IEPP payés par des enseignants

Dans un texte adressé à la ministre Mariatou Koné et au journaliste André Silver Konan, le Prof Jean-Francis Ekoungoun, président du Comité National pour la Sauvegarde de l’École de la République (CNSER) détaille la fameuse pratique du « mouton pédagogique » qui a cours au ministère de l’Education nationale, depuis plusieurs années, sur le dos des enseignants. A lire absolument.
En 2015, devant les multiples plaintes des enseignants contre le phénomène du mouton pédagogique qui lui parvenaient, M. Kouyaté Abdoulaye, l’inoxydable chef de cabinet de la ministre Kandia Camara Kamissoko, a vite fait de botter en touche un peu comme se Camer qui a raté un penalty cinglé dans son maillot français : “le ministère de tutelle a ordonné une enquête et des dispositions sont en train d’être prises contre les 4 à 5 cas avérés ».

M. Kouyaté n’étant plus là, le nouveau Chef Cab de la ministre Mariatou Koné peut, à son tour, ordonner une enquête sur ces terribles “moutons pédagogiques” qui n’honorent pas l’École de la République. Le Comité National pour la Sauvegarde de l’École de la République (CNSER) pourrait aider la tutelle avec les preuves dont il dispose.

A l’origine du mouton pédagogique, dans les années 1970, 80 et 90, ce sont les parents des stagiaires se préparant pour le concours du Cafop, enseigner à la maternelle ou entamer une carrière dans le cycle préparatoire, qui levaient une cotisation exceptionnelle pour acheter un mouton offert en guise de « cadeau » à l’inspecteur qui supervisait les examens de leurs rejetons, futurs cadres. Cette offrande s’accompagnait souvent d’une somme symbolique pour le carburant de M. l’inspecteur.

Aujourd’hui, le mouton pédagogique a pris la couleur du métal argenté. Exit la symbolique du geste débonnaire. Plus d’animal vivant. Place maintenant aux espèces sonnantes et trébuchantes. Le mouton pédagogique est devenu une pratique insidieuse de corruption qui ne dit pas son nom. Ce sont aujourd’hui des sommes imposées par les DRENA, IEPP comme préalables à tout enseignant sorti du CAFOP, nouvellement affecté et devant être titularisé dans ses fonctions, après une année de travail gratuit et sans garantie pour l’Etat. Pour avoir le sésame « la signature du document qui titularise », les pauvres instituteurs doivent obligatoirement verser aux IEPP, une somme équivalente ou égale au prix d’un mouton.

Voici décrit le phénomène en des termes simplifiés : “tu sors du CAFOP, sans un rond en poche, après avoir longtemps attendu une maigre bourse dont on extrait à la base : balai, javel, cantine et que sais-je encore…. On t’affecte dans une brousse où tu te débrouilles pour te nourrir, te loger, te soigner, te déplacer, pendant au moins un an sans salaire. Le type se sait ton chef. Il sait que tu as besoin de lui et que si tu joues les « loyalistes » « fondamentalistes » « religieux » « connaisseurs de tes droits », tu vas durer là. Il sait que tu as besoin de ton argent (1er mandatement au plus vite) pour faire ta dote, payer ton salon, acheter ta moto Nidja, KTM, Flèche, Apache etc…pour aller verser une partie chez le prêtre, le pasteur, l’imam et dire merci au Tout Puissant Allah, Dieu, Jéhovah… Tout ça, il le sait.

Il sait aussi que tu es prêt à braver les règles de ta foi, tes principes pour lui verser un dessous de table ignoble. Connaissant ta situation, il t’oblige à lui donner une somme allant entre 50.000 et 300.000 pour qu’il vienne faire le travail pour lequel il est payé : te titulariser dans tes fonctions pour que tu accomplisses, comme lui, ton devoir républicain, après X mois de sacrifices.”

Pour le jeune stagiaire fraîchement sorti du Cafop, refuser de payer le mouton pédagogique, c’est courir le risque de ne pas être promu ou de retarder sa promotion.

L’instituteur, l’enseignant de façon générale, dès son premier jour d’affectation à son nouveau poste, est parfois soumis à l’abus d’autorité de son chef hiérarchique : intimidation, corruption et humiliations, tout y passe : des postes qui ne sont pas déclarés parce que réservés à celui qui offrirait le plus gracieux mouton pédagogique aux stagiaires échangés contre des vivres, argent et animaux un peu comme à l’époque coloniale, c’est la croix et la bannière pour avoir voulu embrasser la vocation enseignante. Ceux qui ont le malheur d’arriver les premiers ne sont pas affectés les premiers parce qu’ils n’ont ni argent ou ni entregent. Les retardataires aux mains généreuses seront les mieux lotis. Malheur aussi pour nos jeunes belles dames institutrices titularisables qui oseront fermer leurs entrejambes devant la braguette tirée de la haute concupiscence canapé de ces inspecteurs retors, aux habilités tortueuses.

Ceux qui ont eu la chance d’avoir le CAP LONG (passage du grade c3 en b3 après admission au concours professionnel) doivent obligatoirement payer le mouton pédagogique pour être déclarés admis. Les montants du mouton pédagogique du Cap Long varient entre 100.000 fcfa et 200.000fcfa, en fonction des régions du pays.

Par ailleurs, quand survient la période des mouvements internes, des IEPP et DRENA obligent des enseignants à leur verser des sommes variant entre 50.000fcfa et 250.000fcfa pour leurs mutations. Idem pour des postes de nomination : les IEPP encaissent entre 100.000fcfa et 1.500.000 FCFA aux enseignants. Aujourd’hui, les IEPP sont devenus des vendeurs de maillots, de bulletins, d’enveloppes timbrées, de leveur de cotisations fallacieuses.

Dans une circonscription du nord de la Côte d’Ivoire, à la tête d’une IEPP dont nous tairons le nom (pour l’instant), un inspecteur y règne et y dicte son scélérat. Depuis son arrivée dans cette circonscription, il a d’abord recruté des agents de bureau en leur soupirant 50.000 fcfa chacun. Il n’a pas hésité à prendre 50.000 fcfa avec des enseignants pour les bombarder directeurs d’école. A sa première année, il a nommé, à des postes de responsabilité, des instituteurs adjoints alors qu’il y a des instituteurs ordinaires dans ces écoles qui attendent depuis des années.

A sa deuxième année, les nominations sont passées à 100.000 fcfa par le biais de son CPI. Parfois, cet inspecteur rebelle à la rigueur et à l’orthodoxie administratives transforme le grade de certains enseignants encartés qu’il veut forcément nommer. Il démet arbitrairement des directeurs en ne déclarant pas le poste vacant afin de nommer ou placer les instituteurs les plus avenants. Cet IEPP a aujourd’hui transformé sa circonscription pédagogique en un véritable mouroir pour les jeunes instituteurs qui y sont affectés.

Le mouton pédagogique a trop brouté dans les enclos des DRENA et des IEPP. Il est grand temps que la ministre arrête cet infamant “broutage” dont les jeunes enseignants qui n’aspirent qu’à servir la nation payent le plus lourd tribut.

Le Comité National pour la Sauvegarde de l’École de la République (CNSER) recommande à la tutelle d’envoyer tous les moutons pédagogiques de son ministère brouter ou bêler ailleurs. Au demeurant, notre structure demande que soit diligentée une enquête pour saisir tous les cheptels boviniers, à faire pâlir de jalousie le bouvier peulh, qui ruminent actuellement dans les jardins des DREN et des IEP.

Si madame la ministre ne prend pas des mesures idoines pour envoyer ces moutons pédagogiques à l’abattoir, les infortunés enseignants continueront de ruminer dans leurs salles de classe au grand malheur des écoliers et du système éducatif ivoirien.

Le Comité National pour la Sauvegarde de l’École de la République (CNSER)

Le Président

Source Afriksoir

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