C’est désormais officiel, l’arrêté 2020-012/MEPS/CAB du 30 janvier 2020 portant revalorisation des primes mensuelles de transport des travailleurs du secteur privé a été pris par le Ministre en charge du travail. Cependant , ce texte ne répond pas à toutes les préoccupations des acteurs du monde du travail sur le sujet. Aussi notre expert du droit du travail, Ulrich Dje ,se propose dans cet article de lever quelques points d’ombre pour vous.
En décembre 2019, devant les interrogations récurrentes de nos abonnés, nous étions intervenus sur les rumeurs d’augmentation de la prime de transport en Côte d’Ivoire.En savoir plus https://travailetdroits.com/cote-divoire-la-prime-de-transport-va-t-elle-augmenter/
L’avis de la Commission Consultative du Travail du 15 janvier 2020 et l’entrée en vigueur de cet arrêté ministériel , nous permettent aujourd’hui de vous en dire plus.
Le niveau d’augmentation de la prime de transport
Les montants de transport étaient fixés comme suit depuis octobre 2008 :
Abidjan, Bingerville, Anyama, Songon : 25.000 F
Bouaké : 21.000 F
Les autres villes de la Côte d’Ivoire : 17.000 F
Le nouvel arrêté revalorise ces montants de 5.000 F pour le district d’Abidjan et de 3.000 F pour les autres villes. Ainsi il est désormais de 30.000 F dans le district d’Abidjan, 24.000F pour Bouaké et 20.000F pour le reste des villes de la Côte d’Ivoire.
l’arrêté 2020-012/MEPS/CAB du 30 janvier 2020 portant revalorisation des primes mensuelles de transport des travailleurs du secteur privé
l’arrêté 2020-012/MEPS/CAB du 30 janvier 2020 portant revalorisation des primes mensuelles de transport des travailleurs du secteur privé
Conscientes de la faiblesse de la prime de transport et de la cherté de la vie, certaines entreprises attribuaient déjà des primes de transport plus élevées.
Il convient de noter que les montants fixés sont des montants minima. Ces montants supérieurs aux montants légaux sont aussi revalorisés dans les mêmes proportions. L’employeur dont l’entreprise est dans le district d’Abidjan qui payait 30.000 F de prime de transport avant la revalorisation devra désormais payer 35.000F. Celui qui payait 25.000 F à Bouaké devra payer 28.000 F. L’autre qui payait 20.000 F à Zuenoula paiera 23.000 F.
C’est la même analyse pour les salaires négociés en net. En effet, certains employeurs négocient avec leurs salariés des salaires nets au lieu de salaires bruts imposables. Ils devraient connaître aussi cette augmentation puisque cette mesure n’avait pas été prise en compte lors de la négociation du salaire.
Le délai de mise en œuvre de la mesure
La mise en œuvre de la mesure est immédiate dès sa signature c’est-à-dire fin janvier 2020. Même plus, l’article 5 de l’arrêté précise qu’il prend effet à compter du 1er août 2019.
Mais contrairement à l’accord intervenu à la Commission Indépendante Permanente de Concertation (CIPC) le 14 août 2019 et surtout l’avis de la Commission Consultative du Travail du 15 janvier 2020 qui établissait clairement la rétroactivité avec un chronogramme précis du paiement des arriérés jusqu’à mai 2020, l’arrêté du ministre en charge du travail passe la question sous silence.
Cela ne signifie pas que les reliquats ne sont pas dûs. Etant des accessoires du salaire, ils peuvent être réclamés par les travailleurs et leurs représentants légaux (les délégués du personnel et les syndicalistes) dans un délai de 24 mois ; c’est-à-dire jusqu’au 1er août 2021.
Les conséquences fiscales de la revalorisation
L’augmentation de la prime de transport n’a pas pour objet principal d’augmenter le salaire net de 5.000 F à Abidjan et ses alentours ou de 3.000 F dans les autres localités de la Côte d’Ivoire parce qu’il y a des implications fiscales à prendre en compte.
En effet, tout bulletin de salaire comprend une partie imposable et une partie exemptée d’impôts. Le salaire brut subit les impositions fiscales et sociales. Au contraire, les accessoires du salaire qui représentent des remboursements de frais telles la prime de salissure, la prime de tenue, et surtout la prime de transport. Ces montants sont connus et la prime de transport est exonérée jusqu’à 25.000 F.
Que faire avec cette augmentation de la prime de transport ?
Alors qu’à l’intérieur du pays et pour les entreprises qui paieront un montant inférieur à 25.000F, la revalorisation ne pose pas de problème, le cas était différent à Abidjan puisque le plafond de l’exonération était maintenu à 25.000 F jusqu’au 12 février 2020.
La plupart des gestionnaires de ressources humaines et autres responsables de la paie ont ajouté 5.000 F au salaire net. C’est tant mieux pour les travailleurs. L’administration fiscale ne s’était pas encore mise à jour.
Cela est résolu avec la note de service du Directeur Général des Impôts n°0593/MPMBPE/DGI/DLCD-SDL/eamd/02-2020 du 12 février 2019 dont copie est annexée à l’article. Par cette note le Directeur Général des Impôts instruit ses services du rehaussement du montant exonéré de 25.000 F à 30.000 F le temps de la prise de l’ordonnance qui changerait les dispositions légales.
la note de service du Directeur Général des Impôts n°0593/MPMBPE/DGI/DLCD-SDL/eamd/02-2020 du 12 février 2019
Le Conseil de l’expert
Tout est clair désormais. La revalorisation est une augmentation nette du salaire de 5.000 F à Abidjan et 3.000F dans les autres villes pour chaque travailleur dont la relation de travail est régi par le Code du Travail.
Les fonctionnaires et agents de l’Etat ne sont pas concernés. Il reste à 7.000 F. Certainement que l’Etat leur trouvera des moyens particuliers de déplacement qui puissent être couverts par le montant à eux alloué.
Pour emprunter l’expression de notre cher Digbeu Cravate (humoriste ivoirien) , “la législation du travail est simple surtout quand elle est expliquée par un spécialiste.”
Source : travail et droits