Depuis la France où il vit son exil depuis décembre 2019, Guillaume Soro, candidat déclaré à l’élection présidentielle d’octobre 2020, reste focus sur l’actualité politique de son pays.
Avant de révéler son projet de gouvernance, une fois élu, Guillaume Soro revient sur le mandat d’arrêt international lancé contre lui, sa position par rapport à Alassane Ouattara d’avoir renoncé à un troisième mandat. Dans une interview accordée au quotidien français «Le Figaro», il s’est livré sans équivoque sur les questions d’actualités de la Côte d’Ivoire en rapport avec le chef de l’État sortant. C’est aujourd’hui un homme révolté qui affirme tout à trac que l’obstacle s’appelle Alassane Ouattara, le chef de l’État ivoirien, qui veut, selon lui, l’empêcher de rentrer dans son pays et de se présenter à l’élection du mois d’octobre prochain.
Pourtant, les deux hommes ont été très proches, des compagnons de même route, dans un passé très récent. Guillaume Soro avait grandement contribué à l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara, il y a dix ans, avant de devenir son Premier Ministre puis le président de l’Assemblée nationale.
Au cours de cet entretien, se prononçant sur le probable retrait du président Alassane Ouattara pour un troisième mandat présidentiel en octobre 2020, le député de Ferké a indiqué que Alassane Ouattara est en train de procéder à une entourloupe digne de Vladimir Poutine quand, en 2008, ce dernier s’est fait remplacer par Dimitri Medvedev à la tête de la Russie avant de revenir à la présidence en 2012.
A la question de savoir si Alassane Ouattara chercherait, malgré tout, à rester dans l’ombre de son successeur, le président du Groupement et Peuples Solidaires (GPS) Guillaume SORO a été catégorique. «Oui, en changeant la constitution à ses seules conditions. C’est un coup de force pour deux raisons. D’abord, pareille réforme exige normalement un long dialogue préalable avec le peuple, puis la formation d’une assemblée constituante qui planche sur la rédaction d’une nouvelle loi fondamentale. Deuxième raison : le règlement de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), à laquelle appartient la Côte d’Ivoire, interdit de modifier une constitution six mois avant la date d’une élection présidentielle. Ce sera pourtant le cas puisque la nouvelle loi fondamentale devrait être adoptée par le Congrès ivoirien au printemps et que le scrutin doit, en principe, avoir lieu le 31 octobre suivant. Cette révision constitutionnelle est une forfaiture, un déni de démocratie», s’est-il prononcé.
A en croire l’ancien président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara veut propulser son actuel premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, à la présidence et se réserver la possibilité que ce dernier le nomme ensuite vice-président, poste créé par la révision constitutionnelle. Etayant son idée, Guillaume Soro a affirmé qu’à l’origine, il était question que ce vice-président soit élu en même temps que le président dans le cadre d’un ticket, comme aux États-Unis. Ainsi, Alassane Ouattara a changé son fusil d’épaule, et sa “ruse’’ lui permet de faire croire à la communauté internationale qu’il ne se représente pas. «En fait, il se ménage une place, ni vu ni connu. C’est du Poutine-Medvedev. Sauf que personne ne doit être dupe, ici, de cette mascarade», a-t-il souligné.
Pour déjouer les plans de Ouattara, Guillaume Soro n’écarte pas une éventuelle alliance avec PDCI et le FPI
En ce qui concerne sa propre candidature, étant en exil, Guillaume Soro essaie de lever l’équivoque. Convaincu que personne dans l’opposition ne veut être complice de la “manœuvre’’ de l’actuel président, il n’écarte pas une éventuelle alliance avec le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire, Henri Konan Bédié et de l’ancien président Laurent Gbagbo pour la présidentielle d’octobre prochain. «Tous les deux sont d’accord avec moi pour s’opposer au diktat d’Alassane Ouattara qui ne dispose d’ailleurs pas de la majorité qualifiée nécessaire au Congrès. Nous sommes tous sur la même ligne et nous allons tout faire pour montrer aux Ivoiriens que Ouattara les trompe. Nous allons mobiliser nos compatriotes pour la tenue d’un scrutin présidentiel inclusif, transparent et vraiment démocratique», a-t-il déclaré à Le Figaro.
En exil, l’ancien PAN accuse Ouattara d’espionnage à son encontre
En exil depuis plusieurs mois en France, sous le coup d’un mandat d’arrêt émis contre lui par les autorités judiciaires ivoiriennes pour “présomption d’atteinte à l’autorité de l’État et complicité de détournement de deniers publics’’ lorsqu’il était premier ministre, Guillaume Soro estime que ces deux accusations sont nulles, totalement farfelues et sans fondement. D’où, jusqu’à ce jour, «aucun jugement ne m’a condamné et pour cause puisque les preuves sont inexistantes !», estime le président du GPS.
Néanmoins, sans faux fuyant, il accuse Alassane Ouattara d’espionnage à son encontre, car pour lui, le Chef de l’Etat ivoirien a tenté à deux reprises, en 2017 et en 2018, par l’intermédiaire de barbouzes recrutées à Paris, de lui faire organiser des coups d’État contre lui. Alors, qu’il n’en avait aucunement l’intention.
Son projet pour la Côte d’Ivoire…
Malgré tout, son projet pour la Côte d’Ivoire porte sur trois fronts. D’abord, instaurer la paix civile et l’État de droit. Ensuite, mettre l’accent sur l’éducation -poste budgétaire qui a fondu sous Ouattara-, la santé et le logement. Enfin, renforcer la sécurité.
En outre, pour l’ancien Premier Ministre sous Gbagbo, il faut renouer avec l’héritage de Félix Houphouët-Boigny, le père fondateur de la Côte d’Ivoire moderne. Car, dira-t-il, il est inacceptable que 70 % des jeunes de moins de 35 ans soient aujourd’hui au chômage et que 46 % des Ivoiriens vivent, selon la Banque mondiale, avec moins d’un dollar par jour. Pour lui, la condition du redressement est l’installation d’une démocratie stable et honnête.
«Les Ivoiriens aspirent à la liberté et à la prospérité. Faute de quoi, ils auront toujours la tentation de prendre le chemin de l’étranger avec tous les drames à la clé que cela suppose et que l’Europe connaît bien…», a-t-il conclu.
M.K