Après les traditionnelles cérémonies du 11-Novembre à l’Arc de Triomphe, Emmanuel Macron inaugure à Paris ce lundi un monument dédié aux soldats français tués en opérations extérieures. Très attendu par les militaires, ce monument a trouvé sa place dans le parc André-Citroën, dans le sud de Paris, à quelques pas de l’Hexagone Balard qui regroupe les états-majors des armées françaises.
Six soldats de bronze, en colonne par trois, ont été érigés au cœur du parc André-Citroën avec, pour perspective, la Seine en contrebas. Ces six soldats sont particulièrement réalistes, puisque le sculpteur Stéphane Vigny a représenté de vrais engagés, six volontaires qui lui ont servi de modèles. L’œuvre est ancrée sur un parvis de couleur sombre. Il s’agit du premier monument aux morts réalisé par Stéphane Vigny.
« Cette sculpture représente six porteurs militaires, cinq hommes et une femme. Comme le projet était aussi de représenter l’ensemble de l’armée, nous avons aussi deux porteurs de la Marine, deux porteurs de l’armée de Terre et deux porteurs de l’armée de l’Air, détaille l’artiste. Ces porteurs sont représentés à l’échelle, sans socle, à même la dalle. Ils sont en bronze et, entre eux, ils dessinent avec la main qui porte la forme du cercueil mais il n’est pas présent. C’est simplement par la position des mains et des épaules, et la position des corps de ces six porteurs, que l’on perçoit ce qui n’est finalement pas visible dans ce monument : le cercueil. Pour moi, il s’agissait de symboliser le manque ou l’absence. Ils portent l’âme de leurs frères d’armes. »
Quelque 549 soldats tués en « Opex » depuis 1963
Autour du monument, sont gravés 549 noms. Ceux des soldats tués, depuis 1963, en opérations extérieures. Au Tchad, en Yougoslavie, en Afghanistan, au Burkina Faso ou encore au Mali, à l’instar du brigadier-chef Ronan Pointot, tombé il y a seulement dix jours entre Gao et Ménaka, tué par un engin explosif. Ce lieu était très attendu par la communauté militaire et surtout les familles des soldats, indique Céline Roguet, qui a perdu son époux en 2003 en Côte d’Ivoire. Leur fille n’était alors âgée que d’un an.
Pour elle, ce lieu de mémoire vient combler un vide. « C’est une reconnaissance de voir les noms de ces hommes qui ont donné leur vie pour que les Français soient en sécurité, témoigne la jeune femme. Cela a pris du temps, alors que cela fait quand même des années qu’il y a soldats tués en “Opex” ; ce n’est pas nouveau. Après, le monument en lui-même, moi, ça me touche parce qu’au moins, ils ne sont pas oubliés et je sais que ma fille, ça lui fait plaisir qu’il y ait ce monument-là. »
Un mémorial destiné a accueillir d’autres noms
La particularité de ce mémorial, c’est qu’il est destiné à accueillir d’autres noms, ce qui n’est pas le cas des traditionnels lieux de mémoire. Contrairement au mémorial de Douaumont, pour la Première Guerre mondiale, ou celui du Mont Valérien, pour la Seconde, ce mémorial pour les soldats français tués à l’étranger ne sera pas celui d’une génération de combattants, ici la page reste ouverte.
« La page reste ouverte, insiste le général François Lecointre, chef d’état-major des armées. Ronan Pointot n’est sans doute pas le dernier, mais précisément ce n’est pas une quatrième génération du feu, parce que ce n’est pas une génération. Notre pays et notre société ont été marqués par la génération de 14-18, par la génération de 39-45, par la génération de la guerre d’Algérie, par ce moment où toute une société se régénère d’une certaine manière. C’est horrible de dire cela mais c’est la vérité. Elle se régénère dans la souffrance, cette conscience morale qui fait d’elle une nation. Ces grands moments-là n’existent plus mais, pour autant, il faut que notre société prenne la mesure que même s’il n’y a pas une nouvelle génération qui traverse ces souffrances, elle doit malgré tout continuer à penser aux souffrances communes, aux souffrances qui sont consenties par les meilleurs de leurs enfants et à la nécessité de continuer à éveiller et à entretenir cette conscience morale pour construire la nation de demain. »
Aujourd’hui, quelque 7 000 soldats sont déployés à l’étranger dont 4 500 dans le cadre de l’opération Barkhane au Sahel.