Bandé Karamoko Abdoulaye, ex Directeur national de l’enseignement confessionnel s’est livré à cœur ouvert sur les actions menées pour remettre le système sur les rails.
Quel regard portez-vous sur le système éducatif Franco-arabe en Côte d’Ivoire ?
De prime abord, je voudrais préciser que l’Éducation est au cœur du social et en la matière nous y contribuons énormément avec la construction de plusieurs forages d’eaux dans certaines écoles du pays en partenariat avec le ministère de l’Education nationale, la réhabilitation de salles de classes dans la localité de Tanda et de Mankono. La distribution annuelle de kits scolaires à travers le pays et la réhabilitation complète de L’Ifef de Port-Bouët. S’agissant du système Franco-arabe, je voudrais préciser qu’en ma récente qualité de Directeur national de cet ordre d’enseignement, j’ai pu toucher du doigt la réalité qui y prévalait avant 2011 et la réalité d’après 2011 jusqu’à maintenant. Avant 2011 cet ordre d’enseignement était totalement en lambeaux et les écoles avaient pour ministère de tutelle celui de l’Intérieur et de la Sécurité d’où leur marginalisation. Après 2011, dans l’optique de réaliser la politique de l’éducation pour tous et d’atteindre un taux de scolarité aux normes standard, ces écoles ont été réhabilitées et placées sous la tutelle du ministère de l’Education nationale avec un suivi régulier assorti d’une intégration progressive dans le système formel.
Désormais, les élèves issus de ces écoles nouvellement intégrées sont au même pied d’égalité avec ceux de leurs consœurs du système officiel. Avec à la clé les mêmes avantages et obligations. C’est donc une bouffée d’oxygène qui est à mettre à l’actif de nos autorités actuelles. D’autres défis majeurs subsistent toujours au niveau de cet ordre d’enseignement mais reconnaissons tout de même qu’en si peu de temps beaucoup de choses ont étés faites.
Peut-on avoir une idée de ces nombreuses choses qui ont été faites ?
D’abord au niveau du nombre d’écoles intégrées, de 2012 à maintenant nous dénombrons près de 1 000 écoles intégrées sur un total de près de 4 000 donc près du tiers. En termes d’admission au Bac, ce sont plusieurs centaines de cas de réussite par an. Quant aux universités, il importe de préciser l’existence de deux types de formation à ce niveau notamment les formations faites au plan local et celles faites à l’international dans des universités de pays arabo-musulmans. Pour le premier cité, nous avons 400 cas réussite par an aux différents diplômes de Licences et de Masters, Doctorat n’étant pas encore effectif au plan local. Pour les étudiants formés à l’extérieur, ce sont près de 150 à 200 cas de réussite par an aux diplômes de Licences, Masters et Doctorat avec pour véritable défi l’insertion de ces diplômés dans le tissu socio-économique.
Quels débouchés offrent à ces diplômés ?
Le véritable challenge auquel ces diplômés font face est sans doute celui des débouchés. Bon nombre d’étudiants issus des pays arabo-musulman n’arrivent malheureusement pas à faire l’équivalence de leurs diplômes. Cela obstrue bien évidemment la route vers des débouchés. En attendant que des mesures politiques soient mises en œuvre dans ce sens, la plupart de ces diplômés exercent dans le secteur privé avec des émoluments souvent en deçà de leurs formations.
Chaque année des propositions et réflexions sont menées mais n’aboutissent pas. Les acteurs du secteur sont-ils en phase avec les autorités ?
Je puis vous dire sans risque de me tromper que les acteurs sont parfaitement en phase avec les autorités. Sauf que le processus est assez complexe. La Côte d’Ivoire ayant ses propres réalités sociologiques, nous voulons un modèle d’intégration adapté à nos réalités. Cela nécessite des réflexions multi-sectorielles d’où la lenteur du processus. Mais je peux vous rassurer que beaucoup de chemin ont été parcouru et nous ne sommes pas loin du bout du tunnel.
Quelle est cette complexité qui rend le processus lent?
Vous êtes sans ignorer que nous disposons de plusieurs types de cet ordre d’enseignement. En commençant par le modèle traditionnel communément appelé “le Dougoumankalan” en passant par les ’’Madrassas’’ et les franco-arabes pour aboutir aux écoles confessionnelles islamiques. Pour une intégration harmonieuse, l’identification et le recensement de ces écoles s’imposent tout en tenant compte des spécificités. Sans oublier l’uniformisation du programme et l’établissement du quantum horaire afin de permettre aux matières du système officiel d’obéir aux normes horaires standards édictées par le ministère de l’Education nationale selon les recommandations de l’Unesco. Aussi, certains acteurs du système traditionnel sont souvent hostiles à l’intégration d’où la nécessité de procéder à des phases de sensibilisation et de partage d’approches et d’expériences sans oublier l’implication de plusieurs entités étatiques et organismes internationaux notamment l’Unicef et autres dans le processus. Avec souvent certaines contraintes et réalités liées à leurs fonctionnements d’où la complexité et la lourdeur du processus qui tend fort heureusement vers son aboutissement.
Comment menez-vous la campagne de sensibilisation sur le terrain ?
La campagne de sensibilisation consiste à expliquer aux fondateurs le bien-fondé de l’intégration de leurs écoles au système éducatif formel. Afin d’éradiquer de leurs esprits certains préjugés qu’ils ont nourri sur le système officiel tout en mettant en exergue la nécessité pour l’Etat de prendre en compte dans son dispositif éducatif tous les enfants en âge daller à l’école.
Cette sensibilisation passe souvent difficilement dans certaines contrées, chose qui nous oblige en relation avec les structures compétentes de la tutelle, à multiplier les séances de sorte à parvenir à nos fins.
Au niveau des manuels, il n’y a pas d’uniformisation…
Les manuels sont uniformes dans les écoles appartement à la même faîtière. Mais ils diffèrent d’une faîtière à une autre. Il est donc question au-delà de l’uniformisation intra faîtière de procéder à une uniformisation inter-faîtière et cela est en cours et des avancées sont à noter. Le secteur compte cinq faîtières. A savoir, l’Organisation des établissements d’enseignement confessionnels Islamiques (Oeeci) affiliée au Cosim, la Ligue des établissements confessionnels Islamiques et Mederssas (Lecim) affiliée à l’Amsci et Codis, les Écoles Iqra affiliées au Cni, les écoles Cherifoula affiliées au mouvement Ansar Dine de Haidara, les écoles Hiné, propriétés du Cosim.
Quelles stratégies doivent adopter les acteurs du secteur pour une bonne école confessionnelle en Côte d’ivoire ?
À mon sens, je ne pense pas qu’il existe pour l’heure une autre meilleure stratégie en dehors de celle qui est en cours sauf que nous sollicitons auprès de la tutelle plus de célérité dans le traitement du dossier de cet ordre d’enseignement et la prise en compte des préoccupations exprimées par les acteurs du système.
Au-delà des écoles confessionnelles, vous êtes impliqué dans le social
Cet amour pour le social est né du vécu quotidien observé dans notre société où des cas sociaux se présentent chaque jour venant de personnes indigentes qui peinent malheureusement à s’offrir le minimum vital. Ne pouvant donc pas rester insensible à ces cris de cœur de nos compatriotes et sachant que le gouvernement à lui seul ne peut tout faire, nous nous sommes donc engagés à soutenir le gouvernement dans ses actions sociales à travers des initiatives privées. Nous nous engageons à travers des initiatives pour soulager nos populations qui n’aspirent qu’à un bien être social surtout ceux vivant dans les zones rurales de notre pays.
Vous avez également une casquette d’homme politique…
Ma conception de la politique est avant tout de se mettre à la disposition d’autrui et d’être utile à ses semblables. Ma politique est plutôt axée sur des actions sociales et caritatives et je m’y investis pleinement avec des ressources propres et souvent avec l’aide de certains partenaires extérieurs. Vous constaterez que je ne dispose d’aucun poste dans l’administration publique encore moins de poste électif mais cela ne m’empêche guère de donner le meilleur de moi tant physiquement que financièrement pour la promotion du social. Mieux, il m’arrive souvent d’apporter un appui en termes d’actions sociales à certaines collectivités territoriales du pays. Je pense en claire que est à mettre à l’actif de l’éducation religieuse que j’ai reçu. Le Président de la République a mis le social au cœur de ses priorités et nous avons le devoir de l’ accompagner dans sa quête de bien être sociale pour nos populations.
Réalisée par Izoudine Youssef.