L’édition 2021 du rapport annuel Carbon Pricing Leadership (a) paraît alors que la plupart des pays du monde sont toujours aux prises avec la crise de la COVID-19, qui a frappé les populations, submergé les systèmes de santé, provoqué la fermeture des frontières et mis les économies pratiquement à l’arrêt l’an dernier. Quand les générations futures se pencheront sur cette période, elles verront dans cette pandémie l’une des plus grandes tragédies de l’humanité, mais également la résilience dont nous avons fait preuve. Nous devons désormais nous attacher, en agissant de concert et collectivement, à reconstruire en mieux et ouvrir la voie à un développement vert, résilient et inclusif à long terme.
La crise climatique est comme celle de la COVID : elle ne s’arrête pas aux frontières et elle exige de notre part le même niveau d’action urgente et décisive. Malgré la crise sanitaire mondiale, l’année 2020 a vu l’émergence de la plus grande alliance jamais constituée d’entreprises et de pays s’engageant à la neutralité carbone d’ici 2050 dans le cadre de la campagne Objectif zéro des Nations Unies. Ce mouvement concerne dorénavant au bas mot 68 % de l’économie mondiale, 56 % de la population (plus de 4,2 milliards d’habitants) et 61 % des émissions de gaz à effet de serre. Notre tâche consiste maintenant à exploiter cette dynamique pour traduire des engagements en actions concrètes et se montrer à la hauteur d’un défi colossal.
« La période que nous traversons est dans une certaine mesure idéale, puisque le fait d’établir un prix du carbone pourrait favoriser une reprise post-COVID résiliente, inclusive et durable, et contribuer à placer les pays sur une trajectoire de croissance sobre en carbone. »
Au cours des dix dernières années, le nombre de pays et de collectivités territoriales s’étant dotés de systèmes explicites de tarification du carbone a été pratiquement multiplié par trois. Cela représente environ un quart des émissions globales dans le monde. Mais les niveaux actuels sont loin de permettre la réalisation des objectifs climatiques nationaux et internationaux. La tarification du carbone continue de buter sur des obstacles politiques, avec un tarif moyen estimé à tout juste 2 dollars la tonne de CO2. En 2017, la commission Stern-Stiglitz (a) avait chiffré entre 50 et 100 dollars la tonne la hausse nécessaire du prix du carbone à l’horizon 2030 pour pouvoir atteindre les objectifs de l’accord de Paris.
La période que nous traversons est dans une certaine mesure idéale, puisque le fait d’établir un prix du carbone pourrait favoriser une reprise post-COVID résiliente, inclusive et durable, et contribuer à placer les pays sur une trajectoire de croissance sobre en carbone . Grâce à son expertise macrobudgétaire, sectorielle et technique, ainsi qu’à son pouvoir de mobilisation, la Banque mondiale est particulièrement bien placée pour soutenir l’essor et l’adoption de la tarification du carbone. Le Partenariat pour la préparation au marché du carbone (PMR) (a) a déjà aidé 23 pays, et le mécanisme qui lui a succédé, le Partenariat pour la mise en place de marchés du carbone (PMI) (a), se prépare à soutenir plus de 30 pays. Un autre dispositif accompagne les pays qui se dotent de programmes pour réduire les prix négatifs du carbone à travers des réformes de leurs subventions aux carburants.
La Coalition des leaders de la tarification du carbone (CPLC) (a) constitue une puissante enceinte pour favoriser la collaboration entre acteurs publics et privés et représentants de la société civile autour de la question du prix du carbone en vue de faire progresser l’action climatique et d’installer un développement durable. Depuis cinq ans, elle a permis à un large éventail de pays, de chefs d’entreprise et de parties prenantes de partager les meilleures pratiques, diffuser des travaux de recherche importants, asseoir leur leadership et inciter d’autres acteurs à suivre leur exemple.
Ces douze derniers mois, la CPLC a animé des dialogues de haut niveau et des colloques régionaux en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique et sur le continent américain pour réfléchir au rôle de la tarification du carbone dans les stratégies de redressement durable, les contributions déterminées au niveau national renforcées et la réalisation de l’objectif zéro carbone. Elle réunit un nombre croissant de partenaires et entretient la dynamique, en privilégiant les pays en développement. La constitution récente d’un groupe d’experts sur la neutralité carbone (a), dont l’objectif est de comprendre comment la définition d’un prix du carbone peut contribuer à concrétiser l’ambition toujours plus partagée d’atteindre un niveau de zéro émissions nettes d’ici le milieu du siècle, est une excellente nouvelle. J’attends avec impatience la parution du rapport de la CPLC à l’approche de la COP26 pour renforcer encore l’adhésion autour des objectifs de l’accord de Paris.
Nous avons pris le virage de la décarbonation. La relance verte est une solution gagnant-gagnant, capable de déclencher les indispensables investissements pour réussir la transition vers une économie bas carbone et un avenir net zéro. Mais pour parvenir à un redressement inclusif et résilient, nous devons changer d’échelle. La CPLC a fêté son cinquième anniversaire en 2020-21. Le rapport qu’elle publie cette année dresse un bilan des progrès accomplis et identifie les nouvelles tendances, les évolutions et les défis à relever dans le paysage mondial de la tarification du carbone. Elle présente également les actions inspirantes de ses partenaires, recense les mécanismes de tarification du carbone des secteurs public et privé propices à une croissance durable et au renforcement de la résilience, et offre une tribune à des leaders d’opinion, qui partagent leur vision. J’espère que la lecture de ce rapport inspirera et encouragera les décideurs à intégrer le prix du carbone dans leurs arbitrages économiques, à prendre des mesures de court terme et à viser un avenir avec zéro émissions nettes.
Ce texte constitue l’avant-propos de l’édition 2020-21 du Carbon Pricing Leadership Report. La version complète du rapport peut être téléchargée sur le site de la Banque Mondiale.