Chronique de Fabien Aufrechter
Havas Blockchain
De nombreuses entreprises françaises issues l’écosystème blockchain et crypto peinent encore à ouvrir des comptes. Pourtant, celles-ci représentent une opportunité pour les acteurs bancaires.
Malgré un cadre réglementaire plutôt favorable à l’écosystème blockchain et crypto, la France ne parvient pas vraiment à attirer de gros acteurs du secteur. Et pour cause : les principales banques françaises ne bancarisent pas les entreprises liées aux crypto-monnaies. Une situation d’autant plus préjudiciable qu’inégalitaire puisque les entreprises accompagnées par de grands cabinets parviennent à obtenir des comptes tandis que les autres acteurs restent sur le banc de touche. Mais une situation avant tout dommageable… pour les banques elles-mêmes, qui ne tarderont pas à changer leurs fusils d’épaules !
Banques vs. crypto : entre haine et amour
Pourquoi les banques ont elles peur des crypto-monnaies ? D’abord parce qu’historiquement, celles-ci ont été conçues comme le moyen de détruire le système bancaire. Ensuite parce que les crypto-monnaies sont perçues comme le bras armé du blanchiment d’argent. Enfin parce qu’elles sont souvent jugées anti-écologiques.
Mais les choses ont bien évolué depuis 2008 et les crypto-monnaies se sont normalisées : désormais, elles se positionnent davantage en complément qu’en remplacement des monnaies fiduciaires. Contrairement au cash, elles sont traçables et donc loin d’être un vecteur réel de blanchiment d’argent (ce qui a été confirmé aussi bien par le FMI qu’Europol ou TRACFIN). Enfin, même les protocoles les plus énergivores (comme Bitcoin) favorisent… des énergies vertes. Non pour des motifs écologiques mais tout simplement de coûts et de débit (plus de 70% de l’énergie consommée par le protocole Bitcoin est issue de sources renouvelables et en particulier de barrages hydroélectriques).
Pour ces raisons, la peur qui entoure les crypto-monnaies n’est plus rationnelle. Et la haine des banques à leurs encontre n’a plus de raison d’être.
Le futur marché prioritaire des banques ?
Au-delà des peurs, les crypto-monnaies constituent une opportunité pour les acteurs bancaires. Car stocker ses crypto-monnaies reste aujourd’hui un parcours du combattant réservé aux geeks peu averses aux risques. Ce problème de stockage ne sera jamais résolu autrement que par les banques ou des acteurs para-bancaires. Pourquoi ?
Parce qu’aujourd’hui, c’est encore aux banques que chacun fait le plus confiance pour préserver ses économies. Malgré les crises financières, ce sont elles qui bénéficient toujours de la confiance du grand public et des entreprises pour stocker son argent. Stocker l’argent, c’est d’ailleurs le métier premier de la banque comme l’illustre l’image d’Épinal du coffre-fort.
Or, quelle différence entre stocker de la monnaie ou des crypto-monnaies ? Bien peu de choses : une fois tombées les barrières idéologiques, les banques ne tarderont donc pas à s’en rendre compte et à réaliser que les utilisateurs seront mêmes prêts à leur payer des commissions contre un stockage garantie.
Et cela parce qu’il y a un marché conséquent à conquérir mais aussi une opportunité à saisir : celle pour les banques de renouer avec les millénials qui se tournent de plus en plus vers des acteurs para-bancaires plus digitaux mais également à l’international avec des populations non bancarisées mais très équipées en téléphones mobiles (qui étaient déjà le marché sur lesquels se positionnaient les banques mobiles comme Orange Bank par exemple).
Des banques crypto-friendly, mais pour quand ?
Les banques seront bientôt crypto-friendly parce qu’elles ne peuvent rater ce virage, comme elles se sont digitalisées hier pour ne pas rater la révolution numérique. Elles y trouveront un marché, un positionnement marketing fort et surtout un moyen d’imposer leurs niveaux de compliance au secteur, ce qui permettra de finaliser l’assainissement de celui-ci.
Cela ne se fera pas sans heurt car le secteur bancaire n’ira jamais d’abord qu’à reculons et elles ne seront d’ailleurs probablement pas les bienvenues, dans un premier temps, puisque les acteurs les plus puissants de l’écosystème des crypto-actifs se sont constituées idéologiquement contre les modèles financiers traditionnels.
Mais à l’heure de libra, de la crypto-monnaie chinoise ou encore des ICO et STO de corporates, les banques ne mettront pas plus de quelques années à investir l’écosystème crypto. La bonne question n’est donc pas quand mais “qui sera la première banque à franchir le pas ?”.