Le samedi 07 septembre 2019, la présidente de l’une des organisations de la société civile, l’Alternative Citoyenne Ivoirienne (ACI), Pulchérie Gbalet, a tenue une conférence de presse à son siège Abidjan Cocody, pour se prononcer sur l’actualité socio-politique et les menaces qui planent sur la rentrée scolaire en côte d’Ivoire.
Ci-dessous voilà sa declaration:
Chers membres de ACI,
Chers amis de la presse,
Mesdames et messieurs,
Depuis la date du 11 avril 2011, nous assistons en Côte-d’Ivoire à une succession d’évènements malheureux qui ont mis à mal la cohésion sociale. Malheureusement, les politiques obnubilés par leurs intérêts partisans ne font qu’empirer la situation au fil du temps. Aujourd’hui, l’avenir est très inquiétant car des questions cruciales ne sont pas encore résolues à treize mois des élections de 2020.
La société civile a donc un devoir de tirer la sonnette d’alarme et de faire des propositions pour sauver le pays d’une autre guerre dont les signes avant-coureurs sont déjà présents.
Cette conférence de presse est une conférence bilan de la gestion du pouvoir actuel. Nous n’allons pas attendre 2020 pour faire le bilan, parce que ce n’est pas en 13 mois qu’on peut rattraper ce qu’on n’a pas fait en huit (8) ans, mais en 13 mois, on peut par contre prendre des mesures pour sauver la paix.
Elle s’articulera donc autour de cinq (5) questions majeures d’actualité que sont :
LA RÉCONCILIATION NATIONALE
LA CEI
LE DÉFICIT DÉMOCRATIQUE CROISSANT
LE NOUVEAU GOUVERNEMENT
LES MENACES SUR LA RENTREE SCOLAIRE
I. DE LA RÉCONCILIATION NATIONALE
La Réconciliation est l’épine dorsale de la lutte que nous menons depuis 2017, quand plusieurs y étaient encore réfractaires. Nous nous réjouissons qu’aujourd’hui tous les politiques y travaillent, car c’est la seule condition pour une paix durable en Côte-d’Ivoire. Nous espérons que tous ceux qui travaillent mesurent ce que cela suppose et que le moment venu, chacun y mettra réellement du sien pour qu’elle soit effective.
Le constat malheureux que nous faisons, c’est que nous avons connu une guerre post-électorale, mais la réconciliation n’est pas effective à treize (13) mois de la présidentielle de 2020. Et cela est dû à l’incapacité du pouvoir actuel à :
Définir une stratégie de réconciliation réaliste ;
Créer le dialogue politique et social inclusif sur les questions essentielles ;
Reconnaitre ses erreurs et les réparer courageusement ;
Assurer la sécurité de tous les ivoiriens quel que soit leur bord politique ;
Prendre des décisions courageuses, tels que la libération de tous les prisonniers politiques, le retour effectif de tous les exilés et le retour du Président Gbagbo sans lequel la réconciliation est impossible.
Il faut donc que le pouvoir en place reconnaisse son échec et aie l’humilité d’entrer dans une véritable dynamique constructive pendant qu’il est encore temps.
Si on continue de ne pas regarder la réalité en face, on ne trouvera jamais les bonnes solutions. La réconciliation sera effective lorsque tous les fils et toutes les filles du pays seront autour d’une même table dans un esprit constructif pour un dialogue inclusif.
Ainsi, en vue d’aller à une décrispation totale du climat socio-politique, Alternative Citoyenne Ivoirienne fait depuis quatre (4) mois la promotion d’un CADRE D’ECHANGE INCLUSIF censé réunir toutes les composantes de la société ivoirienne, afin de proposer des solutions consensuelles pour des élections apaisées et une paix durable dans notre pays.
Sortons donc de l’hypocrisie et allons à l’essentiel dans l’intérêt supérieur de notre pays !
II. DE LA REFORME DE LA CEI
Quand on connaît le rôle qu’a joué la CEI dans la douloureuse et grave crise que nous avons connue, il est très étonnant de constater que le pouvoir en place gère la question de la CEI avec autant de légèreté et d’égocentrisme.
C’est la paix qui se joue et il s’est permis de :
Engager des prétendues négociations non inclusives ;
Exclure la majorité de l’opposition ;
Exclure la majorité de la société civile ;
Faire une recomposition au lieu d’une réforme ;
Imposer une composition où la question du déséquilibre demeure ;
Faire voter une loi au mépris de toute l’opposition et de la société civile.
Objectivement, peut-on croire en la volonté du pouvoir en place de vouloir la paix ? Notre réponse est NON, car les germes d’une nouvelle crise électorale sont réunis. Peut-on aller sereinement à des élections avec une CEI déjà contestée ?
Le pouvoir en place a donc là aussi échoué et devrait avoir l’humilité de rouvrir les négociations avec l’opposition significative, s’il veut prouver sa bonne foi.
III- DU DÉFICIT DÉMOCRATIQUE
Nous ne cesserons de dénoncer avec amertume le net recul démocratique dans notre pays. La liberté d’association, de réunion et d’expression qui fait partie des droits fondamentaux et inaliénables est toujours fortement menacée.
Les exemples sont légions et la dernière sortie du Procureur de la République vient renforcer le sentiment d’insécurité de tous ceux qui osent s’exprimer en Côte-d’Ivoire.
Quand le Gouvernement lui-même est le champion des violations constitutionnelles, que peut-on espérer d’un peuple sans repères ? Que peut-on espérer d’une jeunesse sans repères ?
Nous sommes à n’en point douter dans un état policier qui ne dit pas son nom, avec une justice à vitesse variable. Nous sommes dans un régime d’exception.
La Communauté internationale qui est très exigeante en matière de droits de l’homme est muette face au musèlement de l’opposition et des acteurs de la société civile ivoirienne.
Conclusion, le bilan en matière de démocratie est nul et honteux. Il appartient au pouvoir en place de se ressaisir pour éviter que le peuple finisse par se révolter. Comme on dit chez nous, quand on est déjà à terre, on n’a plus peur de tomber.
IV- DU NOUVEAU GOUVERNEMENT
Que dire de ce nouveau Gouvernement ?
En deux mandats, nous avons eu huit (8) gouvernements, dont le dernier qui date du 04 septembre 2019, comptent 51 ministres, alors qu’étant dans l’opposition, le Président actuel a soutenu pouvoir travailler avec 20 ministres.
En tant que société civile, nous déplorons toute cette démagogie et toute cette irresponsabilité. Pendant que le peuple souffre, que la majorité des ivoiriens n’arrivent pas à s’offrir un repas par jour, que les paysans souffrent de la mévente de leurs produits et que le chômage va croissant, on trouve opportun de nommer 50 ministres pour quoi faire en 13 mois, si ce n’est de faire campagne avec les moyens de l’Etat ?
Arrêtez de vous moquer du peuple en prétendant réaliser en 13 mois un programme social qui n’a pas été réalisé en huit (8) ans.
V- DES MENACES SUR LA PROCHAINE RENTREE SCOLAIRE
L’année scolaire 2018-2019 a été très tumultueuse et a pu être sauvée grâce à la conscience citoyenne des enseignants que nous tenons à saluer. Nous sommes à la veille de la rentrée scolaire 2019-2020, fixée au 09 septembre 2019, et des menaces pèsent encore sur cette rentrée.
En effet les innombrables problèmes du système éducatif ivoirien ne semblent pas être la priorité du gouvernement, et nous, en notre qualité de parents d’élèves, sommes très inquiets. Ces problèmes sont vraiment nombreux et les principaux sont les suivants :
L’insuffisance des infrastructures éducatives et le sous-équipement des infrastructures existantes ;
Les réformes répétées des méthodes d’enseignement et des outils didactiques qui jouent sur la qualité de l’enseignement, de même que la qualité des élèves et étudiants ;
Le recrutement et la formation au rabais des enseignants avec les instituteurs adjoints de niveau BEPC et les nouveaux professeurs contractuels non formés à l’ENS ;
Les nombreuses structures de gestion de l’école aux attributions floues que sont CEILPAID, COGES, etc.
La quête effrénée du gain et la culture de la fraude ;
Les frais d’inscription et frais annexes incontrôlés ;
Le non-paiement de la part de l’Etat aux écoles privées : Au titre de l’année scolaire écoulée, les décisions financières n’ont été délivrées que le 04 juillet 2019 ;
La mauvaise gestion des revendications des enseignants avec des répressions sauvages allant jusqu’au gel des comptes d’épargne ;
Les difficultés liées au basculement du système classique au système LMD ;
La menace de renvoi de plus de 5000 étudiants à l’Université Félix Houphouet Boigny ;
La mauvaise gestion du BTS.
Aujourd’hui, les enseignants du secondaire ne sont pas prêts à commencer l’année scolaire et les fondateurs d’écoles privées non plus.
Nous recommandons au gouvernement de régler rapidement le plus urgent pour permettre à la rentrée de se faire sans heurts, et ensuite d’organiser des états généraux du système éducatif pour évacuer les problèmes une bonne fois pour toutes. Les urgences sont les suivantes :
Payer le mois de mai des enseignants du secondaire et rouvrir les négociations sur leurs cinq (5) revendications ;
Payer les huit (8) mois d’arriérés des enseignants du CNEC ;
Commencer une partie de la dette des fondateurs du privé et leur proposer un échéancier pour le reste ;
Rouvrir les inscriptions pour les plus de 5000 étudiants menacés de renvoi car en réalité les responsabilités sont partagées et aucun sacrifice ne devrait être trop grand au nom de l’avenir de la jeunesse ;
Prendre des mesures vigoureuses pour le contrôle des frais d’inscriptions.
Une année scolaire en dent de scie comme de l’année 2018-2019 sacrifie toute une génération et c’est l’avenir de nos enfants qui est ainsi hypothéqué par cette formation au rabais.
VI- CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Le constat est clair, en huit (8) ans de gouvernance, La coalition au pouvoir n’a pas réussi à réconcilier les ivoiriens ni à améliorer les conditions de vie du peuple. Bien au contraire, non seulement elle n’a pas réussi à garder sa propre cohésion puisqu’elle a volé en éclat, mais elle a travaillé à accroitre les divisions, la corruption, l’exclusion, la médiocrité et la perte des valeurs démocratiques et citoyennes.
Peut-on faire en 13 mois ce qu’on n’a pas réussi en huit (8) ans ?
Il faut arrêter de se moquer du peuple.
Toutes ces situations dépeintes ci-dessus menacent la paix sociale car on déplace les problèmes au lieu de les résoudre, et ceux-ci ne font qu’empirer car une plaie mal soignée s’infecte toujours. Le tissu social est fragilisé par l’incompétence et l’insouciance de nos dirigeants. Nous vivons dans un Etat en réalité non gouverné parce qu’on ne règle aucun problème, et c’est lamentable.
La Côte d’Ivoire court un grand danger si un dialogue INCLUSIF n’est pas organisé dans les meilleurs délais.
Citoyens, Citoyennes,
Nous sommes à treize (13) mois d’octobre 2020, et non seulement le bilan du pouvoir en place est négatif, mais il ne semble pas enclin à écouter la volonté du peuple pour sauver notre pays.
Soyons mobilisés pour participer à toutes les manifestations pacifiques qui seront organisées dans l’intérêt de notre pays.
Citoyens, citoyennes,
Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas continuer à dormir. Fiers ivoiriens, le pays nous appelle !
Si tu as peur, alors tais-toi à jamais et subis la dictature grandissante.
Si tu veux la paix et la démocratie, bats-toi pour elles et contribue à leur restauration.
Fiers ivoiriens, le pays nous appelle !
Notre devoir sera d’être un modèle de l’espérance promise à l’humanité.
Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire.
Je vous remercie.
Pour ACI,
La Présidente.
Pulchérie GBALET.
Le chapeau par Patrick.k